lundi 28 avril 2014

Shakespeare, la biographie de Peter Ackroyd


Tout le monde sait que l’on connaît très peu d’éléments historiques sur Shakespeare. Peter Ackroyd a donc englobé un horizon beaucoup plus vaste et nous présente tout d’abord la vie d’un petit village du centre de l’Angleterre (Stratford-upon-Avon), pour passer ensuite au portrait de la vie théâtrale à Londres aux époques élisabéthaine et jacobéenne. Celui qui s’attend à une simple vie de Shakespeare sera sans doute déçu et noyé sous les faits corollaires. Ce n’est pas non plus une analyse textuelle. Si Ackroyd évoque bien évidemment les pièces et les replace dans leur contexte, il n’en fait pas une étude littéraire.
En clair, il vaut mieux ne pas être allergique à l’histoire si vous comptez lire cette biographie.

Mais, si vous voulez avoir une compréhension globale de la période, elle me semble être un incontournable. D’une érudition sans faille, je l’ai trouvée assez simple d’accès (je connais toutefois bien la période historique concernée).

Elle a le léger défaut des biographies anglaises : l’intervention de l’auteur dans ce qu’il écrit. J’ai plutôt apprécié ce fait quand il nous donne les différentes hypothèses autour d’une problématique (par exemple sur la question de la religion de Shakespeare, l’auteur nous présente les arguments des défenseurs de l’hypothèse catholique, même s’il ne semble pas convaincu par celle-ci). Par contre, j’aime un peu moins quand l’auteur prend position sur sa conviction intime. Par exemple, Peter Ackroyd est convaincu que les premières versions des pièces que l’on a trouvées et qui datent des Lost Years ont été écrites par Shakespeare et qu’il les a ensuite lui-même remaniées. Même s’il m’a convaincu, j’aurais aimé qu’il soit un peu moins catégorique et qu’il présente davantage les autres hypothèses comme il le fait sur la plus grande majorité des sujets.

Autre petit reproche, l’auteur répète certains éléments à plusieurs reprises. Mais, c’est sans doute parce que la biographie n’a pas pour vocation d’être lue d’une traite comme je l’ai fait. Ces répétitions sont nécessaires car elle est conçue pour qu’on en relise certains passages.
Dernière chose qui n’est pas du fait de l’auteur, le texte est parsemé de coquilles, de fautes d’orthographe et même de fautes de sens (confusion entre Samuel Johnson et Ben Jonson, qui n’aurait pas dû être, vu la tournure de la phrase).

Mais, à part ces légers défauts, le nombre d’éléments que j’ai appris grâce à ce livre est faramineux.
Je ne vais pas tous les lister (j’ai pris quatre pages de notes sur l’ordi et je n’ai noté que le minimum), je vais tout simplement souligner les aspects qui m’ont le plus plu.
Dans la partie sur Stratford-upon-Avon, j’ai adoré être plongée en immersion dans la vie de cette petite ville à l’époque de Shakespeare, apprenant même jusque aux noms de ses voisins. On y découvre les problèmes liés aux terres et aux habitations, les fonctions politiques (puisque le père de Shakespeare est un élu de la ville), les règles religieuses (puisque on fait la chasse aux catholiques, en particulier ceux qui n’assistent pas aux offices, comme c’est le cas du père de Shakespeare), les principes d’éducation et ceux des alliances matrimoniales.

Dans la partie londonienne, j’ai adoré suivre la vie des théâtres. On assiste à la construction (voire à la destruction) du Theatre, du Curtain, du Rose et du Globe. On suit les remaniements des troupes de théâtre. On découvre dans les plus grands acteurs de l’époque (Richard Burbage,  Edward Alleyn, Will Kempe). On entre dans la vie d’une troupe : les fermetures des théâtres, les tournées, le rythme infernal (ils jouent des pièces différentes pendant la même semaine). Les autres grands auteurs élisabéthains sont évoqués : Christopher Marlowe, Thomas Kyd, Ben Jonson… C’est le début de la reconnaissance des auteurs en tant que tels (auparavant ils étaient vus comme de simples scrivaillons au service d’une troupe). C’est aussi l’essor des théâtres publics (ce qui ne s’oppose pas complètement aux théâtres privés puisqu’à la fin la troupe des Comédiens du Roi à laquelle appartient Shakespeare investira dans un théâtre privé à Blackfriars, en plus du Globe).

On comprend comment le théâtre était interprété à l’époque avec son jeu outrancier, ses effets comiques appuyés, ses chansons, ses masques et ses gigues terminant chaque pièce. Paradoxalement, ce théâtre que j’aime tant ne m’aurait peut-être pas plu si je l’avais vu joué à l’époque (par exemple Iago était joué par le comique de la troupe !).

Peter Ackroyd replace les événements dans le contexte général. Par exemple, la fameuse tentative de soulèvement du comte d’Essex ou bien encore la conspiration des poudres avec Guy Fawkes et Robert Catesby (que je ne plaçais pas du tout là - Remember, remember the Fifth of November !)

Au final, quel portrait de Shakespeare se dessine ?
Celui d’un personnage pragmatique avant tout. Il s’inspire de ce qui fonctionne pour écrire des pièces (voire même il recopie certains passages). Si c’est la mode des pièces historiques, il écrit des pièces historiques, si c’est celle des comédies, il écrit des comédies… C’est un grand lecteur qui trouve l’inspiration dans les auteurs classiques (Ovide) mais aussi dans les chroniques historiques comme celle d’Holinshed. Il sait plus que tout s’imprégner des sujets qui lui plaisent et leur apposer sa marque.
Il est aussi pragmatique en affaires et investit énormément dont les terres et les maisons. Il est très fidèle en amitié, puisque il restera quasiment tout le temps avec le même groupe d’acteurs et certains apparaîtront sur son testament.


En quelques mots : C’est un ouvrage à lire absolument pour tout passionné de Shakespeare et de la période élisabéthaine. Je compte d’ailleurs en relire certains passages ultérieurement. 


mercredi 23 avril 2014

Happy 450th birthday, Will !


Nous fêtons aujourd’hui le 450e anniversaire de la naissance de William Shakespeare (selon la date plus ou moins officielle du 23 avril). J’ai donc décidé de faire un petit billet pour lui rendre hommage et lui crier tout mon amour.

J’ai l’impression d’avoir toujours aimé Shakespeare sans pour autant le connaître si bien que cela. J’ai en effet vu beaucoup plus d’adaptations de ses pièces que je n’en ai lues. C’est d’ailleurs ainsi que mon histoire d’amour avec Will a commencé. Je ne sais plus exactement si j’ai d’abord vu Beaucoup de bruit pour rien de Kenneth Branagh (à la télévision) ou bien Romeo + Juliet de Baz Luhrmann au cinéma. Mais, c’est à partir de là que j’ai attrapé le virus. Suite au visionnage de Romeo + Juliet, j’ai acheté la pièce en anglais et j’ai dit à tout le monde que je lisais Shakespeare en  VO, alors qu’en fait je me souvenais plutôt des situations du film (ce qui semble plus plausible vu comment je peine aujourd’hui sur Othello, Richard III, Macbeth et compagnie alors que j’ai un bien meilleur niveau d’anglais).

Et puis, il y a eu le magnifique mais très controversé Shakespeare in Love. J’ai  beau en voir les défauts, savoir que tout a été inventé et que certaines situations ne sont pas plausibles, il reste un de mes films cultes. Il a sans aucun doute contribué à développer mon admiration pour Shakespeare.

Mais, bizarrement, je n’ai pas enchaîné sur la lecture de beaucoup d’autres pièces. Peut-être à cause de la frustration de ne pas pouvoir les lire en anglais parce que je n’avais pas le niveau. Par contre, j’ai enchaîné les adaptations (il faut dire que j’étais beaucoup alors plus dans ma période cinéma que lecture) : Le songe d’une nuit d’été de Michael Hoffman, Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli, La mégère apprivoisée de Franco Zeffirelli, Peines d’amour perdues de Kenneth Branagh, Dix bonnes raisons de te larguer de Gil Junger, La nuit des rois de Trevor Nunn ou plus récemment Anonymous.

C’est avec le blog que l’envie de lire ses pièces m’a reprise. Et là : c’est le choc. Je pensais que j’aimais Shakespeare et puis j’ai lu Hamlet. Et je me suis rendue compte à quel point je m’étais trompée. Parce qu’auparavant, je ne connaissais de lui que ses comédies ou bien Roméo et Juliette, qui est sa tragédie la plus accessible et la plus romantique. Même si je continue à trouver ses comédies brillantes et que j’ai un souvenir poignant de Roméo et Juliette, je me rends compte qu’elles n’ont pas la force, la modernité ni la complexité d’Hamlet, Richard III ou Macbeth.

J’ai donc décidé de vous saouler de rendre hommage Shakespeare dans mes prochains billets, puisque ils lui seront tous consacrés plus ou moins directement avec dans le désordre un billet sur la biographie de Peter Ackroyd et un de ses romans intitulé William et cie, ma relecture de Hamlet, les adaptations de Laurence Olivier et Franco Zeffirelli, le livre Enquête sur Hamlet de Pierre Bayard, ma lecture de Macbeth et un bouquin jeunesse (pas franchement folichon pour l’instant) intitulé Une fille nommée Hamlet.

Et vous quels sont vos premiers souvenirs de Shakespeare ? (si vous voulez faire un billet sur votre blog, pas de souci !) : le billet de Filipa



samedi 19 avril 2014

Les innocents de Jack Clayton (1961)


Avant-propos : En refermant le Tour d'écrou, je m'étais dit que ce serait une oeuvre extrêmement difficile à adapter dans toute sa complexité. Eh bien, je me suis complètement trompée !
Suite à mon billet de samedi, j'ai eu envie de replonger dans l'atmosphère du livre avec le film de Jack Clayton. C'est tout simplement un chef d'oeuvre ! 

Présentation du film : Le film a été réalisé par Jack Clayton (Les chemins de la Haute-ville, Gatsby le Magnifique avec Redford). Le scénario a été écrit par William Archibald (qui l'a adapté auparavant sur scène), Truman Capote et John Mortimer. S'ils ont pris quelques positions fortes (j'y reviendrai), ils ont réussi le tour de force de ne jamais vraiment trancher entre les deux interprétations de la nouvelle de James : on peut y voir des événements fantastiques comme des événements réalistes. 

Mon avis : Dès le départ, j'ai été saisie. Le film s'ouvre sur un écran noir pendant presque une minute où l'on entend juste une voix cristalline s’élever et chanter "O Willow waly". On a déjà des frissons sans même avoir encore rien vu et cette ritournelle va devenir un motif récurrent pendant tout le film. 


On aperçoit ensuite Deborah Kerr (Miss Giddens) en train de prier. C'est le seul petit point qui m'a déplu au niveau du film. Ils ont fait de Miss Giddens une fervente adepte de la religion, ce qu'elle n'est pas dans le livre. 

Le film commence vraiment avec l'entretien de Miss Giddens pour le poste de gouvernante (exit la veillée où l'on se raconte des histoires de fantômes). L'oncle des enfants (Michael Redgrave) explique qu'il ne faut pas le déranger et surtout pourquoi il ne le faut pas : il se revendique comme égoïste et n'a donc pas le temps, ni l'envie de s'occuper des enfants (ce qui n'est pas dans le livre, mais j'y avais pensé comme explication à son comportement). Il lui demande "si elle a de l'imagination" en insistant bien, ce qui peut être important pour une gouvernante(pour éveiller les enfants), mais ce qui prend un autre sens quand on connaît l'histoire... 
Miss Giddens part ensuite pour Bly où elle va rencontrer les enfants et bien d'autres choses encore... 

Le film est tourné en noir et blanc à une période où les films étaient quasiment tous tournés en couleur. C'est donc un choix déterminé du réalisateur de filmer de cette manière et d'utiliser l'opposition entre ces 2 couleurs ainsi que toute la symbolique qui leur correspond. Si au départ, Miss Giddens s'habille en couleurs claires, elle termine habillée totalement en noir. 

Le film réussit à inspirer l'effroi par des effets visuels et sonores extrêmement maîtrisés. Vive les portes qui grincent, les fenêtres qui claquent, les mystérieux courants d'air, les murmures, les cris et la chanson "O' Willow Waly" que l'on entend s'élever souvent de manière inattendue dans une demeure merveilleuse gothique. Là-dessus viennent se greffer des symboles bizarres et angoissants comme une araignée qui sort d'une statue, une poupée de porcelaine dans un lit ou encore un oiseau mort. 

A partir d'ici, il vaut mieux avoir lu le livre, sous risque de spoilers !

Le film va assez loin dans l'hypothèse réaliste. Deborah Kerr est impressionnante. On a vraiment l'impression qu'elle plonge dans la folie au fur et à mesure. Elle est obsédée par la sexualité et imagine que Miss Jessel et Quint ont eu des rapports sans se cacher des enfants. Cela permet d'expliquer le comportement de Miles qui est très aguicheur : il lui dit à plusieurs reprises qu'elle est belle et finit même par l'embrasser. Suite au visionnage, une nouvelle hypothèse de lecture m'a traversé l'esprit : et si la lettre d'expulsion de Miles n'était qu'une invention de la gouvernante ? Quand elle la montre à Mrs Grose, celle-ci répond qu'elle ne sait pas lire. Cela expliquerait aussi le fait que Miles ne sache pas pourquoi il est renvoyé. En tout cas, le film développe l'hypothèse que Miss Giddens s'est arrangée pour rester seule avec l'enfant. 

Mais le film réussit a gardé toute son ambiguïté car l'hypothèse fantastique est aussi indéniablement présente. Les enfants, loin d'être les chers anges impassibles du Tour d'écrou, sont beaucoup plus inquiétants, même si on ne peut tout de même pas trancher entre le fait qu'ils soient maléfiques ou qu'ils aient simplement des jeux un peu spéciaux. La petite Flora prédit par exemple que son frère va venir alors que ce n'était pas prévu (préscience ou coïncidence ?). Elle ne répond pas toujours quand Miss Giddens lui parle et semble ne pas l'entendre comme si elle était plongée profondément dans ses pensées (ou bien est-ce un refus d'obéir ?). En jouant à cache-cache, Miss Giddens accuse Miles de l'étrangler (est-ce un jeu ? est-ce elle qui invente ?). Les exemples sont nombreux et les enfants sont parfois effrayants (les cris perçants de Flora semblent venus d'ailleurs !).

Miss Giddens n'est pas en reste puisque certaines scènes semblent montrer qu'une influence maléfique est à l'oeuvre dans la maison. Les scènes où Quint apparaît font sursauter. L'une de mes scènes préférées est celle où Miss Giddens se retrouve dans le couloir qui mène aux chambres où elle entend des voix, des gémissements et ouvre les portes sans cesse. Un grand moment. 
La scène finale est aussi extrêmement réussie
Spoiler:
Le jeune Miles meurt après une scène terrifiante où elle le poursuit en essayant de lui faire avouer ses mauvaises actions. Mais elle ne le touche pas, il semble s'écrouler victime d'une crise cardiaque ou bien à cause de Quint si on opte pour la vision fantastique
Voici une bande-annonce. Elle est très longue et montre beaucoup de choses. Toutefois, elle permet d'avoir un aperçu de l'ambiance du film. 

En quelques mots : une adaptation comme je les aime ! Si le film prend quelques libertés avec le texte, elle en conserve totalement l'esprit. Avec peu d'effets, le film réussit à créer une atmosphère angoissante. Une réussite totale ! 

Et après ? : J'ai vu (et bien aimé) l'adaptation 2009 de la BBC, mais je la considère quand même inférieure à celle-ci. J'ai aussi apprécié la BD d'Hervé Duphot, même si je trouve que le sort de Miles n'est pas assez clair dans la dernière image. Je viens de découvrir chez Cécile le livre d'A.N. Wilson, Un esprit jaloux qui est dérivé du Tour d'écrou. J'ai vu depuis que Claudialucia l'avait lu aussi. Il est disponible à ma bibliothèque, je pense me laisser rapidement tenter !
Soie, si jamais tu retrouves le titre du livre dont tu m'as parlé dans le billet précédent, je suis preneuse aussi !

samedi 12 avril 2014

Mes obessions : Le tour d’écrou d'Henry James

Avant-propos : J’ai découvert Henry James cette année avec Les papiers de Jeffrey Aspern. Mais j’étais sortie frustrée de ma lecture puisque le livre repose sur un secret qui ne nous est jamais livré. Je ne savais pas que je venais de mettre le doigt dans un engrenage diabolique puisque la frustration est un ressort essentiel de l’œuvre d’Henry James. Chacun de ces livres comprend de multiples facettes et l’auteur prend un malin plaisir à nous laisser dans l’incertitude, comme j’ai pu le constater avec Le Tour d’écrou.

Mon résumé : Lors d’une veillée où l’on se raconte des histoires de fantômes, un homme promet un récit terrifiant, mais le manuscrit de celui-ci se trouve dans un tiroir fermé à clé et il doit le faire venir avant de pouvoir raconter cette histoire qui lui a été confiée par une gouvernante. Nous suivons ensuite la confession de celle-ci et découvrons les événements qui lui sont arrivés dans la demeure de Bly.

Mon avis : Au départ, on ne sait pas très bien où veut nous emmener Henry James, avec cet espèce de prologue qui fait monter la tension et sur lequel plane un lourd secret. Même si on est un peu perdus, cette partie de l’histoire est essentielle et je l’ai relue dès que j’ai eu fini la nouvelle, car à mon avis elle contient des clés de lecture importantes, mais j’y reviendrai plus tard.
Nous passons ensuite au récit de la gouvernante (qui n’est jamais nommée). On n’y retrouve cette ambiance si chère aux Anglo-Saxons de manoir perdu dans la campagne dans lequel il se passe des événements étranges et inquiétants. La jeune femme dont c’est le premier poste, a reçu des instructions inhabituelles. Elle ne doit pas contacter son employeur, l’oncle des enfants dont elle a la garde, sous aucun prétexte. On apprend que la gouvernante précédente est décédée dans des circonstances inexpliquées et peu avouables. On découvre aussi que le jeune Miles est renvoyé de son collège pour un comportement suspect sans que l’on sache lequel. Tous ces éléments créent une atmosphère de malaise. De plus, la gouvernante se met à rencontrer des personnes qui ne lui parlent pas et qui surgissent à des moments inattendus. Il s’agit des fantômes de l’ancienne gouvernante Miss Jessel et Quint l’ancien valet de la propriété.
Jusqu’à la moitié du livre, j’étais en totale empathie avec la gouvernante, frémissant avec elle quand elle croisait les apparitions au détour des couloirs d’hiver la nuit. Et puis, j’ai commencé à douter de ce qu’elle racontait parce qu’elle considère que les enfants sont sous l’influence des fantômes uniquement parce qu’ils sont trop parfaits !

Attention à partir d’ici vous vous exposez à des spoilers !

Je savais avant de lire cette nouvelle que le récit était ambigu et que les avis étaient extrêmement partagés. Mais j’ai été totalement surprise parce qu’après avoir terminé ma lecture je n’avais absolument aucun doute : je n’étais pas devant une histoire fantastique, mais devant un récit d’une plongée dans la folie fascinante, tragique et malsaine. Pour moi, il est évident que la gouvernante a tout inventé et qu’il n’y a jamais eu de fantômes. Le seul point qui me paraissait ambigu été le fait de savoir si oui ou non maïs avait été victimes d’abus sexuels.
Quelle ne fut pas ma stupeur en découvrant que la théorie « réaliste » été minoritaire au niveau de l’étude de ce texte et que la possibilité d’abus sexuel était à peine évoquée dans les analyses que j’ai lues (pourtant l’un des articles était une interprétation mêlant psychologie et littérature). La théorie dominante est celle du récit fantastique. Je ne nie pas que cet aspect existe, mais pour moi il n’est qu’un prétexte à cacher des événements beaucoup plus sombres.
Comme pour tout livre qui m’obsède, les questions se sont bousculées dans ma tête surtout que celui-ci est un paradis pour les interprétations psychologiques.

Pourquoi est-ce que je n’y vois pas un récit fantastique ? 
  • Comme je l’ai déjà dit plus haut, je n’ai pas confiance en ce que raconte la narratrice. Les enfants sont tellement sages qu’elle ne doute aucunement qu’ils sont sournois, mais à aucun moment, on ne les surprend en train de faire quelque chose de mal.
  •  Parce que la narratrice est la seule à avoir « des fantômes ». La preuve en est faite à deux reprises : une première fois avec Flora qui ne voit pas Miss Jessel au bord du lac et la deuxième fois avec Miles qui pense que c’est Miss Jessel qui apparaît alors qu’en fait c’est Quint.
  • Cela est renforcé par le fait que personnellement je n’ai aucun attrait pour l’ésotérisme, les films et les récits fantastiques et que je rejette de manière générale les explications qui ne sont pas rationnelles.

Qu’est-ce qui me fait penser à des abus sexuels ?
  •   L’attitude de la gouvernante. Elle passe beaucoup de temps dans la chambre de maïs la nuit. Elle lui dit des choses bizarres comme « s’il il était son mari » (à confirmer vu que je n’ai lu que la traduction). Elle le tue en l’étouffant ce qui est aussi un moyen de le faire taire alors qu’il veut rentrer en contact avec son oncle. 
  •  L’attitude de Miles qui rejette la gouvernante et s’en prend à elle lors de la scène de l’église et qui tente de s’en éloigner notamment dans la scène où il est dans le jardin (il fuit sa chambre où elle a l’habitude de lui ren dre visite la nuit). Mais en même temps, il se rapproche d’elle et semble aussi attiré par sa présence (ce qui est une caractéristique du syndrome de Stockholm).
  •   Un passage du chapitre un :
  « – De qui était-elle amoureuse ?
  – L’histoire vous le dira, risquais-je à répondre.
  – Oh ! Je ne peux pas attendre l’histoire !
  – Et l’histoire ne le dira pas, reprit Douglas. Du moins, d’une façon littérale et vulgaire. »
Pour moi cet élément est la clé. Au début du récit, on pense que c’est entre Douglas et la gouvernante, puis entre la gouvernante et l’oncle des enfants, mais elle ne le voit plus un après son arrivée à Bly. De qui donc peut-elle avoir été amoureuse si ce n’est de Miles ?
  •  Le fait que la gouvernante ait recommencé le même schéma à une moindre échelle avec Douglas (qui était le frère d’une autre jeune fille dont s’est occupée la gouvernante) puisqu’il lui semble étrangement attaché surtout pour quelqu’un de plus jeune.
  •   Parce que l’histoire refuse de se donner facilement. Elle est enfermée à clé dans un tiroir et Douglas n’ose pas la raconter lui-même alors qu’il la connaît déjà.

Henry James est-il un génie ou ma lecture n’est-elle pas assez contextualisée?
·         C’est une question qui me perturbe à force de voir les analyses fantastiques l’emporter. Henry James aurait écrit cette nouvelle suite à une anecdote sur une histoire de fantômes. Elle est classée dans les ghosts stories. J’ai lu que, jusque dans les années 20, il n’y avait qu’une lecture fantastique de la nouvelle. Est-ce moi qui extrapole parce que je suis le fruit de mon environnement ? À force de voir des analyses psychologiques à toutes les sauces dan les médias, est-ce que cela a biaisé ma lecture en lui donnant des clés de compréhension qui n’existent pas ? Le contexte de l’écriture de l’œuvre est celui de l’époque victorienne et  deses tabous sexuels, mais aussi de la vogue du spiritisme ce qui peut faire pencher vers l’interprétation fantastique. Est-ce que j’y vois des choses qui n’y sont pas ? Et si Henry James n’était pas un génie et que mon interprétation était fausse ? Pour mon plus grand bonheur (ou malheur), je n’aurais jamais la réponse puisqu’Henry James n’a pas tranché cette question dans ses écrits. Mais, le reste de son œuvre repose quand même toujours sur une grande ambiguïté. De plus son frère était un psychologue très connu ce qui fait qu’Henry James avait connaissance de la psychologie et je reste persuadée que la volonté d’ambiguïté n’est pas un hasard, mais cela n’engage que moi.


En quelques mots : Je crois que vous l’aurez compris ce récit m’a tout simplement fascinée.

mardi 8 avril 2014

Eugène Delacroix, "le plus légitime des fils de Shakespeare" au musée Delacroix



Dans le cadre du 450e anniversaire de la naissance de Shakespeare, le musée Delacroix présente, du 26 mars au 31 juillet 2014, une exposition consacrée aux travaux de Delacroix inspirés par les pièces de Shakespeare.
Elle est "sobrement" sous-intitulée "le plus légitime des fils de Shakespeare".

Dans le cadre de mon obsession personnelle autour d'Hamlet, j'étais donc samedi dès 9H30 (heure d'ouverture) devant le musée. J'étais donc toute seule pour visiter l'expo et ce pour mon plus grand plaisir !



Ce sont surtout les pierres lithographiques de la suite Hamlet qui sont présentées ainsi que les lithographies qui en ont été tirées. Il y a une quinzaine de scènes qui sont issues de la pièce. L'effet est donc inversé selon que l'on regarde la pierre ou la lithographie qui en est tirée et parfois cela donne une autre vision de la scène représentée.
Etant donné que j'étais seule, j'ai pu pleinement apprécier la finesse des détails et j'ai trouvé cela très intéressant.


J'ai juste été un peu déçue qu'il n'y ait pas plus de peintures sur le thème. Il n'y a que celle de Roméo et Juliette au tombeau des Capulet et un autoportrait de Delacroix en Ravenswood (de la Fiancée de Lamermoor) ou en Hamlet (la reproduction est très mauvaise, il est en bien meilleur état). Je sais par exemple, qu'il existe un tableau représentant Desdémone maudite par son père qui n'est pas exposé en ce moment au musée des Beaux-Arts de Reims.


Je ne connaissais pas le musée que j'ai trouvé très joli, notamment sa cour intérieure. Il est certes petit, mais je l'ai trouvé intéressant et le personnel était très sympathique et serviable.




En quelques mots : une petite exposition sympathique, à conseiller toutefois plutôt aux fans de Shakespeare et /ou de Delacroix. 



Résultats du concours !

Je vous avais fait des vidéos toutes mignonnes pour vous montrer le tirage au sort et ça fait une heure que je me bats pour en éditer une, puis pour les mettre sur facebook...
Bref, je renonce ! Je peux les envoyer par mail à qui voudra ça ira plus vite !

Dans ces vidéos, je vous disais que j'avais trouvé un chat pour participer au tirage au sort, il s'agit de celui-ci qui se trouve sur la tasse.

Je remercie toutes celles qui ont participé au concours, surtout que ce sont des blogueuses fidèles et j'aurais aimé que toutes remportent quelque chose.

Voici ce que le sort a décidé !
Pour Ainsi puis-je mourir : Manu 
Le Dieu de New-York : Maggie
Dark Island : Lili


J'espère que je ne me suis pas trompée (n'hésitez pas à me le signaler, si je n'ai pas choisi le bon livre !).

Encore une fois, je suis désolée pour celles qui n'ont pas gagné !